Ce Duke Nukem nous fait osciller entre déception et raison. Déception parce que Duke Nukem Forever (DNF) ne nous fait pas vibrer comme l’avait fait la version 3D en son temps. Raison, parce qu’on se disait bien qu’après treize ans de développement, et malgré les promesses passionnées de Gearbox, il devenait difficile d'espérer un grand jeu.
Tout commence avec des graphismes qui vont d’honnête à tout juste acceptable, en passant par quelques textures qui doivent être dans le jeu depuis le début du développement. Mais, à l’époque déjà, ceux qui voulaient être époustouflés sur ce point devaient plutôt se tourner vers Quake et laisser le fun à Duke Nukem 3D.
Répliques en série
Mais le fun, contrairement à ce que pourrait laisser penser Duke Nukem Forever, ne résidait pas seulement à l’origine dans quelques répliques bien senties, quelques paires de seins pixellisés et quelques éclats sanglants. Du point de vue des répliques, DNF s’en sort bien, même si certaines tombent un peu à plat. On a droit à quelques clins d’œil – pauvre space marine, prends toujours ça Halo, etc. –, mais ce n’est pas suffisant. En tout cas, on conseille aux joueurs de choisir l’anglais, c’est tellement plus savoureux.
Duke a perdu le point G
Le plaisir de jouer à Duke Nukem devait autant aux personnages qu’à l’univers, à un level design offrant une approche libre et des tonnes de caches secrètes ou à la possibilité de transporter tout un arsenal… Sans parler du jet-pack, symbole d’une certaine liberté. Perdue.
Dans la campagne solo de DNF, pas de jet-pack, mais un univers qui en fait parfois trop dans le kitsch dukien pour ensuite s’affadir, à tel point qu’on sent, à chaque pas, le poids des ans. Et puis ce Duke Nukem Forever souffre surtout d’un manque d’unité. Gearbox a joué au dur jeu du puzzle, et ça se sent, malgré les efforts et – peut-être – les exploits accomplis pour tout mettre bout à bout.
Conséquences ? Une suite de niveaux sans queue ni tête, des enchaînements forcés et de gros problèmes de rythme. Au sein même d’un niveau découpé en plusieurs parties – et autant de temps de chargement, pénibles surtout sur console –, on peut passer de 5 minutes de pur bonheur à un quart d’heure de quasi-ennui. Et le pire est que l’ennui ne vient pas des phases de résolution de puzzles – simples mais rigolos – ni d’exploration.
Tirer ne suffit pas
Parfois, c’est pendant les phases de tir qu’on se lasse. Inquiétant, surtout quand on a affaire à un boss. Boss qu’on tue toujours en déchargeant une certaine arme avant d’aller faire le plein de munitions à un bout ou à un autre de la mini-arène (un stade, un cratère, un barrage, etc.).
Evidemment, il y a de bonnes idées. Les passages où Duke est miniaturisé apportent leur dose de stress et donnent surtout un aspect jeu de plates-formes plutôt plaisant, mais ce n’est pas assez pour rompre la monotonie.
Le vieux et le neuf, mauvaise cohabitation
Et si, comme dans un FPS old school, on a droit à un peu d’exploration, celle-ci perd de son sens tant les niveaux se résument à de longs couloirs, avec quelques salles accessibles à un instant T. Pas de retour en arrière (ou très rarement), pas d’heures passées à chercher une cache secrète, un passage, etc.
En fait, développement prolongé oblige, Duke mélange vieux et neuf mais ne semble pas toujours prendre le bon de chaque âge. Ainsi, DNF vous limite à deux armes, alors que Duke était un arsenal ambulant. Certains regretteront que la vie se régénère d'elle-même. D’autres tiqueront devant les micro-quick time events, qui imposent d’appuyer sur la bonne touche ou d’en marteler une autre. Bref, pas le meilleur de la next-gen.
Manques à la pelle
Est-ce au côté next-gen qu’il faut imputer l’abandon d’un mode coopératif en local ? Et que penser de l’impossibilité de jouer à plusieurs en écran partagé sur console pour un titre dont l’aspect convivialo-macho appelle la soirée entre potes ?
Le multijoueur et ses quatre modes sont sans surprise. Mais difficile de marquer autant les esprits dans le contexte actuel que lors de la sortie de l’opus 3D, qui a fourni à beaucoup de joueurs l’occasion de leurs premiers émois en LAN.
La vraie question
Duke Nukem Forever est tour à tour un FPS médiocre et plaisant, avec de vraies bonnes idées, mais jamais assez pour être bon ni excellent. Mais la vraie question est : vaut-il la peine ? A 50 euros, on serait tenté de dire aux joueurs les moins passionnés d’attendre les soldes.
Pour autant – un peu à la manière dont on met fin à une malédiction ou dont on achève un deuil –, la sortie de DNF est une bonne nouvelle. C’en est fini de ce vaporware, c’en est fini de l’attente. Duke Nukem Forever peut enfin reposer en paix, et une page de l’histoire du jeu vidéo se tourne, peut-être pas aussi bien qu’on l’aurait voulu, il est vrai. En fait, on peut même espérer, comme nous le disait Randy Pitchford, patron de Gearbox Software – qui a eu le courage de mettre un point final à ce qui ressemblait de plus en plus à une mascarade –, qu’il y aura un autre Duke Nukem, un vrai, pas un jeu qui traîne derrière lui treize ans d’espoirs et de déceptions.